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Le conte en maison de retraite

Le conte en maison de retraite

Dans les veillées traditionnelles, les conteurs s’adressaient à tous les âges réunis qui y trouvaient chacun un intérêt propre. Dans notre société, où les âges sont le plus souvent séparés, on n’a que trop rarement, hors du contexte familial, la réunion de plusieurs générations dans une activité commune. Les contes ont ainsi peu à peu échappé à leur vocation première et se sont trouvés réservés à l’enfance, parfois la petite enfance ; on en connaît donc souvent des versions édulcorées et adaptées à ce public enfantin. Quand nous proposons des « racontées » en maison de retraite, nous devons souvent préciser que les contes traditionnels s’adressaient aux adultes, et que nous ne prenons pas les résidents pour des enfants.

Dans ce cadre, notre répertoire s’élargit à la mythologie, aux fabliaux, contes, lais, romans et nouvelles du Moyen-Âge, qui peuvent être facétieux, grivois ou « courtois », aux Contes des Mille et Une Nuits, etc.
Nous racontons aussi des contes célèbres, comme « Blanche Neige » ou  « Cendrillon », mais dans des versions d’autres pays (« Blanche Neige » en Afrique ou « Cendrillon » grecque) où les auditeurs retrouvent avec plaisir des motifs connus, dans un agencement et un décor différent.
Nous aimons faire voyager nos auditeurs très loin, des Amériques, à la Perse, à la Chine, au Japon… mais aussi dans leurs provinces ou régions d’origine : la Bretagne, le Nord, l’Auvergne, la Provence, le Languedoc, la Catalogne, etc.

Conditions matérielles

Les racontées sont organisées en liaison avec l’équipe d’animation qui les insère dans son programme et prévient les résidents : annonces orales, panonceaux affichés sur les murs des couloirs et dans les ascenseurs.
L’âge moyen d’entrée dans une maison de retraite étant de plus en plus avancé, les résidents ont souvent une mobilité réduite et ce sont les aides-soignants, l’animateur, des stagiaires… qui les conduisent dans le salon ou la grande salle où a lieu la racontée.  Souvent celle-ci a lieu au rez-de-chaussée. Une panne d’ascenseur, une absence ponctuelle de personnel peuvent réduire le nombre d’auditeurs 

Une histoire racontée aux « Jardins de Montmartre »

La configuration idéale des participants serait une configuration en cercle autour du conteur, car dans le cercle, tous les participants sont sur un plan d’égalité humaine. Mais c’est une configuration difficile à établir quand de nombreux résidents sont en fauteuil roulant. La disposition choisie est donc presque toujours le demi-cercle.

Nous préférons être libres de nos gestes et conter sans micro, mais si le nombre des participants est important, il peut être préférable d’avoir un micro et une sonorisation.
Nous proposons des racontées d’une heure, une fois par mois, avec les mêmes conteurs/conteuses. Cette régularité permet de créer des liens avec les résidents, et de convaincre ceux qui, parmi le personnel d’animation ou le personnel soignant, sont réticents.

Certaines d’entre nous racontent seules, d’autres par deux. Certaines proposent un thème, annoncé à l’avance, autour duquel elles varient les types de contes : au début, une histoire courte, souvent drôle, qui permet d’occuper le décalage entre l’arrivée des premiers et des derniers participants, puis différentes formes de contes (merveilleux, de sagesse, facétieux, avec des incursions dans le fantastique, les contes d’origine, etc.), en terminant par une histoire courte et drôle, une histoire qui sert de rituel de fin.
D’autres tiennent à choisir ce qu’elles vont raconter en fonction du moment, du public, mais quel que soit le type de racontée, il y a une part de préparation et d’improvisation.

Pourquoi raconter en EHPAD ?

Les résidents qui participent à la racontée sont réunis par une activité commune : écouter des histoires. La racontée est souvent la seule activité où ils peuvent simplement être là. C’est leur écoute qui crée la dynamique du groupe. A l’EHPAD Péan, c’est une question que posait toujours une dame très âgée avant de venir à l’animation : « Est-ce qu’il faudra que je fasse quelque chose ? »

La formule par laquelle commencent les contes traditionnels (« Il était une fois ») introduit déjà les auditeurs dans un espace psychique en rupture avec le quotidien. C‘est une invitation au voyage dans un monde radicalement différent, où le surnaturel est de règle, où l’ordre habituel des choses est transformé. C’est par cette formule que débute l’aventure commune. Cette aventure peut être un retour vers le passé : les contes provoquent des résurgences comme s’ils parlaient, certains diront à l’inconscient, d’autres à l’intériorité, à cette part unique et universelle chez chacun de nous. Ainsi les contes peuvent toucher un public atteint de troubles cognitifs : « Le pouvoir du conte est assez fort pour toucher leur imagination qui n’a pas disparu. L’histoire leur permet de voyager dans leur mémoire ou leurs émotions. Eux seuls le savent. » (Marie-Carole Morinière, animatrice, Les Jardins de Montmartre)

Il nous arrive, en tant que conteur, d’être saisi par une qualité d’écoute particulière ; on a l’impression que l’histoire est portée par le public, par ses réactions de surprise, d’étonnement, par ses reprises à haute voix de certains éléments. Le conte est vraiment un « chemin d’images » parcouru ensemble.

Il y a aussi des jours plus difficiles, où les interruptions se succèdent, où les bruits environnants deviennent si prégnants que conteurs et auditeurs n’arrivent pas à s’en abstraire. Mais même ces jours là, les contes apportent leur langage imagé, leur part de rêve, leur poésie.


témoignages – conter en maison de retraite


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