/LE CHOU-FLEUR SAUVEUR de Madame Lucienne MEXAL

Une anecdote de la Deuxième Guerre Mondiale 

Enregistrée « live » par Lesley PHILLIPS, bénévole Section Personnes âgées

A Pontault Combault, le 20 Octobre 2023

LUCIENNE : Bonjour, Eh bien, certains disent que la vie ne tient qu’à un fil, moi ma vie tient qu’à un chou-fleur. Vous savez pourquoi? Eh bien voilà c’était sous l’occupation allemande. Eh, alors, j’avais une tante qui avait travaillé dans un atelier de bijouterie en appartement et son patron, quand il est décédé, lui a laissé le fonds de commerce et tout. Et à l’époque, je parle de ça… des années dix-neuf cent trente, il avait une arme, il avait un revolver, cet homme, au cas où cette petite bijouterie aurait été attaquée.

Un soir je vais donc voir ma tante, on bavarde, tout ça et elle me dit ce revolver, il faudrait bien l’enlever, parce qu’en plus elle demeurait au 76 rue des Archives en face de l’immeuble du central téléphonique Archives qui était là, juste à l’angle et donc j’ai dit bon, écoute, je vais l’amener. Je mets donc ce petit revolver dans mon sac. C’était un sac en cuir, pas très grand, qui faisait peut-être 40 cm sur 20 avec deux anses et fermait par une fermeture éclair. Et puis je lui dis au revoir ; je repars, je reprends le Métro République et arrivée dans le Métro République à la correspondance, je vois un groupe de soldats allemands qui était là, qui fouillaient…

Ah, je me suis dit là… en l’espace d’une seconde, je me dis, ta vie est finie. Et puis je ne pouvais pas repartir en arrière parce que je me suis dit qu’ils vont se douter… ça va leur mettre la puce à l’oreille. Je descends donc les marches en sueur froide en me disant que là, c’était la fin de ma vie… Et puis ils sont arrivés très corrects, ils ont essayé d’ouvrir mon sac. 

Ah oui, entretemps, je ne sais plus si je vous l’ai dit, qu’en sortant de chez ma tante il y avait un marchand de chou-fleur. Voilà, je passe devant une boutique où ils donnaient des choux-fleurs sans « Ticket d’alimentation ». Alors le monsieur m’a dit, vous en prenez un, j’ai dit oui, alors attendez, je vais vous en choisir un très gros. On a eu beaucoup de mal à le mettre dans ce sac, dessus le révolver mais il y avait un petit bout de papier… bon, voilà.

J’arrive donc à ce Métro et puis arrivée en bas je me suis dit là, ma vie est terminée, ça va être la torture pour savoir si je ne faisais pas la Résistance, enfin, des choses comme ça. Bref, l’officier allemand… alors, impossible de sortir le chou-fleur, il était énorme ce chou-fleur, je me suis dit ah oui, il ne sortira pas ! Alors, on n’a jamais pu sortir le chou-fleur (MOI : rires !), alors il m’a dit bon, assez, signalé, passez, danke schön etc. J’aime mieux vous dire que quand je me suis assise je tremblais de peur ! Voilà, je dois ma vie à un chou-fleur ! 

MOI : Mais alors, quelle est la fin de cette histoire de révolver, qu’est-ce que vous avez fait avec ce révolver, à la fin ?

LUCIENNE : Eh bien, on l’a mis au cimetière du Télégraphe, on a un caveau de famille où il y a une jardinière avec des fleurs, et on a enlevé les fleurs et la terre, on l’a mis au fond en se disant il pourrira, il rouillera, je ne sais pas, puis on a remis les fleurs, et très longtemps après, après la guerre, on l’a pris et on l’a jeté sur les fortifications qui étaient autour de Paris là où depuis ils ont fait ce qu’ils appelaient « le trou marin », un groupe d’immeubles au Pré Saint Gervais. Voilà !

MOI : (Rires !)  Eh bien, dis donc ! Merci, Lucienne !

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